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Le maître des animaux

En 1916, l’équipe d’ouvriers de fouille de Félix Mouret met au jour une tombe au mobilier exceptionnel, numérotée IB-71 ! Attribuée à un guerrier celte, celle-ci contient une plaque-boucle de ceinturon en bronze présentant d’étranges symboles figurés...

Le maître des animaux

Un guerrier celte de culture « européenne »

Découverte à l’ouest de l’Oppidum au sein de la nécropole le 8 mai 1916, La tombe numérotée IB-71 se présente sous la forme d’une fosse circulaire de 25 cm de profondeur et 60 cm de diamètre. 

Au centre de celle-ci, Félix Mouret note la présence d'une stèle, pierre plate à peine équarrie dont la base est prise dans les terres de remplissage. La tombe contient un matériel d’une grande diversité daté du Vème avant notre ère : 

  •  cruche servant d’urne cinéraire (conservant les restes brulés du défunt),
  • coupe attique exceptionnelle attribuée à l’atelier du peintre d’Iéna ainsi qu’une panoplie guerrière métissée dont un cardiophylax
  • un javelot 
  • un pendentif discoïdal constituant l‘ensemble de culture ibérique,
  • une épée, 
  • un fourreau 
  • une agrafe de ceinturon appartenant aux standards celtiques. 

Une mixité qui soulève de nombreuses interrogations
Ce guerrier était-il celte, ibère ou les deux ? 
La présence de cette coupe attique indique-t-elle sa participation aux guerres médiques ou est-ce le témoignage d’un goût pour la belle vaisselle 

Faute de pouvoir y répondre, cette mixité atteste néanmoins de l’interactivité du commerce méditerranéen et européen à Ensérune. Ces objets nous offrent, au-delà de leur fonction, un certain aperçu sur la culture et l’imaginaire des occupants de l’Oppidum.

Une parure symbolique

Initialement géométrique, l’art celte va être transfiguré aux contacts des civilisations étrusque, grecque, phénicienne, égyptienne et plus largement orientale. C’est très certainement au cours de leur expansion en Europe, notamment sur les rives de la Méditerranée, et probablement au cours des guerres médiques auxquelles ils participent, que les populations celtes s’approprient certains mythes orientaux ; apparaissent ainsi dans le répertoire celtique, des personnages fabuleux tel que le sphinx, le griffon et la chimère.

L’agrafe de ceinturon retrouvée au sein de la tombe IB-71 (d’environ 10cm x 10cm) est ornée de motifs entrelacés présentant plusieurs niveaux de lecture :

  1. une paire d’oiseaux affrontés (en rouge),
  2. deux animaux affrontés (en jaune),
  3. une silhouette humaine stylisée peut être avec des bois sur la tête (en noir). Elle semble attraper le cou des animaux affrontés (jaune),
  4. deux animaux fantastiques (en bleu),
  5. l’ensemble de la partie centrale dessine également un motif d’arbre (en vert)

 

Plaque-boucle celte de la tombe IB-71
Plaque-boucle celte de la tombe IB-71

© Sophie Izac - CMN

 

Au cours du temps, les représentations de l’arbre de vie se meuvent en silhouette humaine, voire se croisent ou se confondent comme nous en avons l’exemple sur ce ceinturon. 

Le personnage tient de ses mains et semble ainsi maîtriser les deux animaux sauvages ou mythiques qui l’entourent. C’est cette posture dominante qui lui a valu le nom de « maître ou maîtresse des animaux ».

Symbole d’une divinité maîtrisant les forces de la nature ou représentation totémique d’un individu s’emparant des facultés animales ? Le sens de cette iconographie, comme la pensée et l’idéologie celte associées à ces représentations, reste jusqu’à maintenant opaque.

Toutefois la présence de cet objet de parure unique d’une grande qualité et l’ensemble du matériel présent dans la tombe atteste à la fois du niveau social de son propriétaire mais aussi de l’attention portée à l’inhumation de ce dernier.

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